Vivre une fausse couche, entre l’épreuve et les tabous



En voilà un sujet vécu par des milliers de femmes et dont on ne parle finalement que très peu : la fausse couche.

Pourtant, les fausses croyances qui entourent la fausse couche, la douleur non-exprimée voire banalisée par l’entourage sont autant de paramètres sur lesquels il est plus qu’important de sensibiliser pour inviter au changement.

Mais une fausse couche, de quoi parle t’on?


Selon le MST, “La fausse couche spontanée est la mort embryonnaire foetale non-induite ou l’expulsion des produits de conception avant la 20ème semaine de grossesse”.

Les principaux facteurs de risques peuvent être:

  • un antécédent de fausse couche spontanée
  • la consommation de tabac ou d’alcool pendant la grossesse
  • l’hypertension
  • l’âge de plus de 35 ans
  • un choc émotionnel
  • la prise de certains médicaments
  • certaines maladies chroniques mal contrôlées tels que le diabète, l’hypertension, les troubles de la thyroïde, etc.  

Il est même très fréquent que lors d’une fausse couche très précoce, certaines femmes pensent qu’il s’agit simplement de règles tardives.

Par ailleurs, il est également très important de garder à l’esprit que rien n’est fatalité, fort heureusement. Les fausses couches concernent 10 à 15% des grossesses. Ce qui impliquent que la majorité des femmes entrant dans l’un des facteurs à risque mènent leur grossesse à terme sans aucun problème. Tout comme rien n’implique qu’une grossesse après une fausse couche est fatalement vouée à l’échec. Le risque est présent, il faut certes rester vigilante à certains signaux sans pour autant sombrer dans le pessimisme. D’autant que les fausses croyances sur les risques de fausses couches règnent et alimentent un climat anxiogène bien inutile. Prenons pour exemple celles qui prétendent qu’il est dangereux de monter et descendre les escaliers, ou encore celles qui laissent croire que le sport n’est pas conseillé lors d’un début de grossesse, que les rapports sexuels augmentent les risques de perdre l’enfant ou encore que les 3 premiers mois, mieux vaut ne pas bouger. Bien évidemment, rien de tout ceci n’est vrai (sauf si antécédent d’accouchement prématuré, de col utérin raccourci (et ouvert).

Le corps humain est parfaitement conçu et apte à recevoir la vie, à la faire grandir en lui sans pour autant empêcher la femme de continuer ses activités habituelles, sauf dans les cas exceptionnels bien sûr. Et s’il s’avère que les choses ne se passent pas comme prévu,faites-vous confiance, votre corps vous le fera savoir. Votre rôle n’est autre que d’y être à l’écoute et de réagir quand il le faut. Les symptômes d’une fausse couche peuvent être:

  • des saignements ou une hémorragie franche
  • des crampes
  • l’expulsion des tissus embryonnaires

Dans le cas de la manifestation de l’un de ces symptômes, n’hésitez pas à contacter votre gynécologue et à vous rendre immédiatement aux urgences.

Si l’ensemble des tissus embryonnaires n’ont pas été évacués, il y a un risque important d’infection. C’est d’ailleurs pour cette raison que lors de votre passage à l'hôpital, on procèdera normalement à une vérification de la vacuité utérine de manière à s’assurer que votre utérus est bien vide. Dans le cas contraire, un curetage devra certainement être effectué.

une fausse couche, bien plus que la fin d’une grossesse

Les consultations ont le mérite d’être des vitrines de la réalité que vivent les femmes, de leur souffrance, de leur douleur mais aussi de leur force et de leur courage. Elles permettent également de révéler tout le travail qui reste parfois à faire dans l’information et la sensibilisation. Et cela, aussi bien auprès du corps médical que des patientes.

Il m’arrive donc fréquemment de rencontrer des patientes qui considèrent que leur fausse couche n’est pas une grossesse. Pourtant, peu importe le stade auquel a eu lieu la fausse couche et bien que certains professionnels de la santé ne prennent pas le temps de le rappeler,  il s’agit bien d’une grossesse qu’il faut considérer à part entière. Et pour cause, comme toute autre grossesse, l’utérus a bien été le siège d’une fécondation, les conséquences sur le corps sont bel et bien présentes et les répercussions psychologiques également. Et il est plus important encore d’en prendre conscience et de prendre le temps de gérer ces paramètres pour ne pas risquer qu’ils ressurgissent négativement lors d’une future grossesse.

Et parmi les éléments qui impactent ces conséquences, ce sont les remarques, inconscientes parfois, de l’entourage. Les femmes l’ayant vécu savent à quel point les réflexions telles que “ne t’inquiète pas, tu es encore jeune, tu vas encore avoir des enfants”, ou encore  “c’est le destin, Dieu en a voulu ainsi” peuvent être difficiles à supporter.

Dans ce genre de situation, il n’est absolument pas question de remettre en cause un quelconque décret divin ou de ne pas accepter le sort qui nous touche. La douleur n’engendre pas un déni. Au contraire, elle appelle à la bienveillance, à la douceur et à l’écoute. Souvent, la femme vivant cette épreuve souhaiterait pouvoir exprimer cette douleur et son chagrin, sans que tout le monde ne cherche à banaliser ce qu’elle vit.

Pour les personnes qui l’entourent, il est dès lors plus bénéfique de marquer sa présence, de faire savoir qu’au besoin, nous sommes là sans pour autant être intrusif.

Quant aux femmes qui traversent ces moments difficiles, prendre le temps d’en parler est important. D’une part pour se rendre compte qu’elles ne sont pas seules à avoir vécu cette expérience et d’autre part, pour ne pas se replier sur sa souffrance et sombrer dans la culpabilité. A toutes celles qui l’ont vécu, sachez que vous n’avez rien fait de mal et que ce qui vous est arrivé n’est en aucun cas de votre faute. Que vous désiriez profondément cet enfant ou que vos premières pensées vous insufflaient que ce n’était probablement pas le bon moment, vous n’êtes pas responsable. Déculpabilisez et parlez-en à un professionnel de la santé si vous en ressentez le besoin.

Ma propre expérience

Il s’agit d’une pratique quelque peu inhabituelle mais je tenais à travers cet article à partager ma propre expérience. Parce qu’au delà d’être une sage-femme, une sexologue ou une mère, mes propres expériences me permettent bien souvent de comprendre ce que vivent ces centaines de femmes que je rencontre au quotidien.

Il y a quelques années, j’ai moi aussi vécu la douloureuse expérience d’une fausse couche.

A quelques semaines de grossesse (que j’ignorais), voilà que je suis subitement prise de crampes importantes et de légers saignements. Sentant que quelque chose n’allait pas, je décide de me rendre immédiatement à l’hôpital. Bien que je me tordais de douleur, on m’invite à m'asseoir et à attendre un long délais (une ou deux heures au minimum) l’arrivée du médecin, ce que je refuse. A l’infirmière qui m’avait accueillie et qui me demandait d’attendre sagement que le gynécologue arrive,  je lui rappelle que toute femme est enceinte jusqu’à preuve du contraire et que j’avais urgemment besoin d’aide. Sans vouloir prendre conscience que mon état nécessitait une prise en charge immédiate, elle me répétait que je devais simplement attendre mon tour.

Je décide alors de quitter cet hôpital où mes symptômes semblaient être pris à la légère pour me rendre dans un autre CHU. Arrivée, j’explique ce qu’il m’arrive et me voilà prise en charge directement. Le test urinaire confirmera sur le champ ma grossesse et  l’échographie qui suivra quelques instants plus tard révélera que j’étais en train de faire une hémorragie interne et qu’il fallait m’opérer sur le champ.

Pourquoi est-ce que je prends la peine de vous raconter tout ça? Pour vous rappeler à quel point il est important de vous fier à votre instinct. Lorsque vous avez mal, lorsque vous sentez que quelque chose ne va pas, peu importe les circonstances, ne banalisez pas et allez consulter. Et rappelez-vous que personne n’est en droit de poser un jugement sur ce que vous vivez ou de le dénigrer. Soyez à l’écoute de vos émotions, prenez le temps de les exprimer et de les accueillir et demandez de l’aide si vous en ressentez le besoin. Auprès de votre sage-femme qui est habilité à faire le suivi, auprès de votre gynécologue ou de votre psychologue, le plus important est de surmonter cette épreuve pour ne laisser aucune cicatrice ouverte, qui pourrait faire bien plus mal avec le temps.